TRIVIALE POURSUITE
01/03/2019 Une exposition de Philip Vormwald Chez Pauline Perplexe " ... Pour un observateur qui, quittant la Terre, s'en éloignerait dans l'espace, l'"aspect" du monde changerait continuellement et les dimensions, aussi bien réelles qu'apparentes, des étoiles fixes augmenteraient sans cesse. " Alexandre Koyré, 1957. Philip s’amuse souvent à piétiner les bas relief pour n’en garder que la poudre et les variations douces dans la lumière. En général, pour le calmer il faut lui mettre un harmonica dans la bouche et lui ordonner de sucer l’air par les trous. C’est comme ça qu’il retrouve les zones blanches, celle de son écran éteint. Il est le type avec les doigts qui joue dans ce film noir: l’histoire d’un homme sous psychotrope qui voit défiler le monde avec trop de détails en se disant qu’il est encore possible de sauver sa peau. Une course poursuite avec des gros doigts sales qui deviennent les mètres étalons des espaces à dévaler. Dans le film, quand il rentre chez lui, il fait souvent des grands gestes presque féroces, des gestes de panique pour composer ses dessins : il dit que c’est des plans anxiogènes, mais vu du dessus. L’accumulation des dessins entre 15 et 18 n’est que le début d’une série de 200. On le voit faire glisser ses doigts sur le papier résiné, la poudre graphite n’est fixée que par des plaques de verres. Il a souvent très peur de la gravité, de la pesanteur du noir et du blanc, mais le noir et blanc est un sale mytho et la poudre est volatile et grasse, donc les émanations bougent encore. Et c’est dans cette latence du mouvement que s’initie le vertige. Alors avec ses gros doigts il allonge et étire la graphite le longs des formes découpées. Il masse bien les écailles des Ferragamos vertes en crocodile qui se répètent par accouts. Il masse bien les haricots qui fauchent les motifs des mauvaises cravates. Ses doigts toujours sales tentent de rattraper le propre à la gomme et de raviver la luisance goudron. Il est toujours possible d’y revenir et c’est comme ça qu’il s’en sort. Vers le début du film, les corps volent quand ils sont criblés de balles, alors le géant perfore les circuits vite et de là se déduisent des pièces de monnaies abondamment multipliées. Il piétine la monnaie pour faire des pièces un peu plus grande, des unités de référence pas tout a fait sûres et c’est à cause de ça qu’il bascule toujours dans l’abstraction. Le problème des géants c’est la taille des choses. Dans son canapé d’angle il parle de la déconcentration et des tentatives de rigueur. Il est souvent partagé entre la loyauté qu’il doit au Bureau de Tabac d’en face, en tant que chose extérieurement réelle et la sensation que tout est songe, en tant que chose réelle vue du dedans. Il est désolé de ne pas être resté plus longtemps parce qu’il fallait qu’il mange un truc et à cause de l’épuisante recherche constante d’intensité et de densité. Il réclame une plate-forme pétroliere privée pendant 72h juste pour dormir et ranger sa collection de formes . Sarah Holveck, PourTriviale Poursuite, Pauline Perplexe